1Ce
travail étudie le mouvement continu et conflictuel de mondialisation du
textile-habillement. Loin de se soumettre aux forces du marché, les acteurs de
la filière ont constamment lutté pour garder ou prendre le contrôle des
conditions de production et de valorisation ; contrôle qui a fluctué
alternativement en fonction des innovations produits, technologiques et
organisationnelles, dans un contexte protectionniste initié par les pays
industrialisés. L’épuisement des champs d’innovations, la fin des protections
et l’adhésion de la Chine à l’OMC modifient profondément les conflits. En
revisitant l’économie internationale et l’économie industrielle, l’article
montre la constitution de rentes au profit des firmes multinationales de la
distribution et l’absence de bénéfices partagés issus d’une mondialisation
concurrentielle. Au contraire, la filière connaît réduction de la concurrence,
pertes d’activités dans la plupart des pays et absence de bénéfices pour les
consommateurs. Et des conflits en perspective.
2Depuis les années
1960, le mouvement continu de mondialisation du textile-habillement se
développe de manière conflictuelle. Bien loin de se soumettre aux forces des
marchés concurrentiels dépassant le pouvoir de chacun d’eux, les acteurs de la
filière n’ont cessé de lutter pour garder ou pour prendre le contrôle des
conditions de production et de valorisation de cette production. D’autres
activités ont connu de grands bouleversements dans les méthodes de production,
dans la technologie, dans les modes de commercialisation, et dans leurs
localisations. Mais seul le textile-habillement n’a jamais connu de pose dans
cette succession de bouleversements.
3Une
nouvelle évolution est en cours avec la très forte croissance des exportations
de vêtements par la Chine sur les marchés des pays de l’Atlantique-Nord.
L’entrée d’un nouvel acteur de taille sur les marchés mondialisés du
textile-habillement devrait, en principe, se traduire rapidement par un
accroissement de la concurrence et des baisses de prix bénéfiques pour les
consommateurs et pour les nations. Dans un tel contexte, les coûts des
restructurations liées à cette nouvelle étape de la mondialisation de la
filière pourraient être acceptables.
4Pourtant
le processus actuel de mondialisation de l’habillement ne semble pas suivre
cette voie, à la fois difficile et bénéfique de la mondialisation
concurrentielle, pour tout au contraire s’engager sur la voie de la réduction
de la concurrence et du cumul des pertes d’activités et de l’absence de
bénéfices pour les consommateurs de l’Union européenne. Le processus actuel de
mondialisation a permis, dans le secteur de l’habillement, la constitution
d’une situation de rente. C’est ce paradoxe qui est ici analysé, ainsi que ses
conséquences, car cette situation est elle-même la source de nouveaux problèmes
et de nouveaux conflits.
5Il
n’y a pas eu, en 2005, d’irruption de la mondialisation dans le
textile-habillement avec la fin des protections. Il n’y a pas eu d’effet de
surprise pour les acteurs européens dominant les marchés concernés. Il n’y a
pas eu impréparation à la « déferlante » des importations chinoises. Les
acteurs européens dominant les marchés de l’habillement se sont bien préparés,
en organisant les importations, et donc en créant cette « déferlante ». La
globalisation actuelle du textile européen est d’un type nouveau, elle est la
résultante de trois phénomènes dont la conjonction peut avoir des effets
redoutables :
6—
L’évolution de la mondialisation du textile-habillement européen avec le
glissement des pouvoirs de marché des producteurs aux grands distributeurs.
7—
La prédominance des avantages absolus dans la détermination des localisations,
qui découle des formes antérieures de la segmentation internationale des
processus productifs.
8—
La montée de la Chine, qui cumule les facteurs majeurs de la compétitivité :
les faibles coûts du travail, le haut niveau de formation, le haut niveau de
recherche-développement, ainsi qu’une infrastructure évoluée.
9Ce
qui est en cause c’est moins la stratégie de la Chine, qui joue les cartes
économiques qui sont à sa disposition, que les incohérences des politiques des
firmes et des États des pays industrialisés, qui respectivement bénéficient de
position de rentes à court terme d’un côté, et abandonnent leur pouvoir de
régulation d’un autre côté.
10Les
donneurs d’ordre européens se sont adressés à la Chine car elle produit
relativement bien, vite et bénéficie de rémunérations du travail et de
conditions de travail particulièrement compétitives pour les employeurs. Mais
la Chine ne peut être mise sur le même plan que les pays sous-traitants
habituels tels que la Tunisie, le Maroc ou la Turquie. La Chine possède la
capacité de transformer cette phase de sous-traitance internationale en
capacité de production autonome, y compris au niveau de la création et au
niveau de l’extension, par la multinationalisation, de ses entreprises sur les
marchés européens. Et la rente dont profitent actuellement les entreprises
européennes peut changer de main. La Chine a besoin d’un fort excédent dans
cette filière. La Chine a les moyens de l’accroître et de le pérenniser.
1
– Les rapports de forces dans la filière textile : innovations et
transformations de la division internationale du travail
11Tout
au long de ces quarante dernières années, la filière textile s’est profondément
transformée par des modernisations fortes et continues, dans le cadre d’une
internationalisation croissante de ses activités.
12Les
modernisations concernent à la fois les produits, les technologies et
l’organisation des diverses composantes de la filière. Ces modernisations ont
eu comme objectif premier de répondre à la concurrence des pays à bas coûts
salariaux, mais de manière différenciée (Boussemart, 1984). La mise en œuvre de
la modernisation n’a jamais été uniforme, ni aux différents stades de la
filière textile-habillement, ni entre les pays participant à sa mise en œuvre.
Les résultats de la protection par l’innovation ont été très inégaux. Surtout,
la relative protection qu’engendre la modernisation est aujourd’hui remise en
question, car les pays émergents (notamment la Chine) accèdent à leur tour aux
diverses dimensions de cette modernisation et cumulent les avantages des
faibles coûts salariaux aux progrès de productivité et à la différenciation des
produits liés aux innovations.
13Il
est donc particulièrement utile de revisiter les interactions entre les formes
de la modernisation et l’internationalisation de la filière. On peut analyser
cette évolution en trois périodes au cours desquelles les stratégies et les
pouvoirs des acteurs se transforment fortement.
1.1
– La première période : l’internationalisation sous contrôle
14Dans
les années 1960, les pays industrialisés sont confrontés à un premier flux
d’importations venant des pays en développement (PVD), et notamment d’Inde et
des pays du Commonwealth. Face à ce flux, la réponse consiste à mettre en place
des protections (les accords à long terme sur le coton), de manière à garantir
l’activité industrielle des industries textiles des pays industrialisés.
15Ces
protections (droits de douane, et surtout quotas et protections non-tarifaires)
conduisent rapidement les PVD à diversifier leur approche internationale de la
filière : d’abord en diversifiant les fibres utilisées, ensuite en spécialisant
leurs activités industrielles sur les composantes à fort contenu de
main-d’œuvre (confection) de la filière. Ainsi, les décennies 1960 et 1970
voient apparaître ce qu’il est convenu d’appeler les Nouveaux pays industriels
(NPI), proposant toute une gamme de produits textiles à partir de positions
industrielles conquises à partir de la confection, puis complétées en remontant
progressivement la filière vers son amont. Pays emblèmes de cette stratégie,
les tigres du Sud-Est asiatique, notamment la Corée du Sud.
16Les
échanges mondiaux sont rapidement bouleversés, principalement sur la partie
habillement de la filière. Le tableau 1 montre la pénétration rapide des pays
en voie de développement dans la partie habillement de la filière dès le début
des années 1960. Et la bonne résistance des pays industrialisés dans la partie
textile de la filière : leurs importations de produits textiles proviennent
alors, très majoritairement (67,4 % en 1978), d’autres pays industrialisés.
1
Origine
des importations des pays industrialisés (1955-1978)
17Deux
points sont à souligner. Les importations des pays industrialisés en provenance
des pays en développement représentent au début de la période une partie
minoritaire des échanges mondiaux de la filière ; elles vont devenir année
après année la principale composante des échanges mondiaux de produits du
textile et de l’habillement (hors matières premières). En outre, la progression
des flux sur les produits de la filière s’accroît rapidement : ainsi, les pays
industriels comptent pour moins de 44 % des 4,48 milliards de dollars échangés
dans le monde en 1955, puis pour 55,3 % des 10,11 milliards de dollars échangés
en 1968, 61,7 % des 24,91 milliards de dollars échangés en 1973, et 58,3 % des
50,27 milliards de dollars échangés en 1978 (voir annexe).
18La
bonne résistance des pays industrialisés, surtout dans la partie textile de la
filière tient à deux éléments qui se combinent étroitement pour préserver les
groupes industriels originaires des pays industrialisés.
19D’un
côté, une stratégie défensive : des Accords Multifibres totalement dérogatoires
aux règles du GATT succèdent à l’ALT sur le coton, et généralisent les quotas à
de nombreuses parties de la filière. Ces accords constituent une menace
permanente pour les PVD (mais aussi pour les pays industrialisés) et agissent
comme une épée de Damoclès par rapport à leurs velléités de conquérir des parts
de marché trop importantes, ou de confisquer à leur profit les flux d’échanges.
20De
l’autre côté, une stratégie d’innovations, qui associe étroitement les
innovations sur les produits (nouvelles fibres, et mélanges fibres naturelles
et fibres chimiques ; nouvelles textures pour les fils, les tissus ou le
tricotage ; non-tissés et tissus techniques…), et les innovations sur les
techniques de production (filature open-end, métiers sans navettes, découpe au
laser, CAO et CFAO à de nombreux stades de production). Ces innovations
améliorent massivement les rendements, et inversent les avantages
comparatifs[1]
[1]Il s’agit d’avantages comparatifs au sens d’Ohlin donc…
entre pays industrialisés et PVD sur la partie textile de la filière
(Boussemart et Rabier, 1988). À l’époque, la réduction des effectifs dans
l’industrie textile stricto sensu est moins liée aux délocalisations qu’à
l’introduction de technologies assurant une seconde révolution industrielle
dans la filière. La filière, sur sa partie textile et sur une partie de la
filière confection, présente les caractéristiques d’une industrie à intensité
de capital croissante, employant donc de moins en moins de main-d’œuvre. Font
exception à cette tendance les opérations de couture en confection, toujours
aussi exigeantes en main-d’œuvre peu qualifiée, malgré de nombreuses recherches
menées pour leur modernisation, recherches qui n’ont pas alors atteint leurs
objectifs.
21Les
groupes industriels occidentaux, avec l’aide de leurs États respectifs,
maintiennent leur puissance ; ils contrôlent la filière, mais avec des
mouvements importants entre les divers stades de celle-ci, au gré des avancées
sur les produits ou les techniques de production. Ainsi, tour à tour, les
profits de la filière sont surtout prélevés par les groupes de l’industrie
chimique, à la belle époque de l’envolée des demandes en fibres synthétiques ;
ou par les firmes de tissage ou de filature, lors des périodes de forte
modernisation de leurs outils industriels ; ou par les ennoblisseurs (tissus
imprimés, apprêts sur les tissus), lorsqu’il s’est agi de répondre à des
demandes plus versatiles en fonction des modes ; ou par les créateurs de
produits nouveaux (textiles techniques destinés à l’agriculture, à la santé, à
l’aérospatiale…). En même temps, les besoins financiers des entreprises
augmentent ; ils conduisent à la disparition des firmes qui ne participent pas
au vaste mouvement de concentration (structuration oligopolistique de la
filière) ou à la conquête de niches.
1.2
– La seconde période : l’internationalisation organisée
22Les
firmes industrielles des pays industrialisés ont compris assez rapidement
qu’elles ne pourraient pas résister au mouvement puissant de libéralisation des
échanges. Les divers accords dits AMF sont en effet conclus dans le cadre du
GATT avec des échéances destinées à permettre la levée totale des obstacles non
tarifaires aux échanges. L’OMC, qui succède au GATT, aboutit en 1995 aux
Accords sur le Textile et les Vêtements (ATV), avec pour date butoir définitive
le 1er janvier 2005. Les années 1980 et 1990 sont donc celles d’une lutte pour
le contrôle de la filière, mettant aux prises les industriels d’une part, les
distributeurs de l’autre. En s’invitant au jeu du libre-échange, la Chine va
modifier les rapports de forces.
23Les
industriels vont s’appuyer sur les innovations engagées en fin de première
période ; ils accentuent la différenciation par l’innovation, et se
positionnent sur des produits à plus forte valeur ajoutée. En même temps, ils
organisent la délocalisation de proximité pour les produits basiques de
l’habillement ; les années 1980 et 1990 voient le développement des opérations
de sous-traitance internationale et de trafic de perfectionnement passif (TPP).
Sans qu’il soit utile d’insister ici, la figure type du TPP consiste par
exemple à acquérir des tissus écrus de coton à bas prix en provenance d’Inde,
du Pakistan, ou de Chine, puis à réaliser les opérations à forte valeur ajoutée
dans l’Union européenne (impression par exemple), avant de sous-traiter en
confection la fabrication des chemises au Maroc ou en Tunisie (de préférence
dans une zone franche), et de rapatrier le produit en lui ajoutant une
étiquette en France, pour l’écouler enfin dans les circuits de distribution.
24L’industriel
se spécialise ainsi sur deux plans. D’une part, il réduit ses propres
interventions industrielles aux parties de la filière qui ont été modernisées,
et qui peuvent encore faire l’objet d’une valorisation sur certaines gammes de
produits, ou sur certains stades de fabrication d’un produit (l’amont en
création, une partie de la production à fort contenu technologique ou en
savoir-faire) ; d’autre part, il élargit son spectre d’intervention à des
opérations d’organisation de la filière, en « récupérant » par la
sous-traitance ou la filialisation les parties de la filière qu’il ne peut plus
effectuer dans des conditions satisfaisantes de profitabilité. Ainsi, en
bonneterie, l’industriel français poursuit-il ses activités de bonneterie sur
les parties création des modèles, tricotage et finition des pulls de moyenne et
haute gamme ; mais l’opération post- tricotage d’assemblage des panneaux est
confiée à une filiale ou un sous-traitant marocain ou tunisien. Pour deux
raisons : le temps de confection est la partie la plus longue (en minutes) du
processus de fabrication d’un pull ; le coût minute au Maroc ou en Tunisie est
cinq fois inférieur au coût français.
25Ce
qui est vrai du bonnetier français avec ses sous-traitants ou filiales
marocaines ou tunisiennes se retrouve pour les pays de l’Union européenne dans
leurs relations avec les pays d’Europe de l’Est (notamment pour l’Allemagne),
ou du Maghreb ; pour les États-Unis avec le Mexique (maquilladoras). Les
groupes régionaux tels que l’Alena et la zone Euromed se consolident.
26L’autre
modèle d’organisation industrielle, plus marginal, est celui des réseaux de
PMI, notamment en Italie (région du Prato), la compétitivité nationale
bénéficiant de temps à autre des pratiques de dévaluations dites compétitives.
27Dans
les deux cas, des transformations profondes modifient l’organisation interne
des firmes, avec la mise en place des dispositifs (juste à temps, zéro stock,
zéro défaut, cercles de production autonomes) inspirés des thèses d’Aoki (1991)
; elles ont pour objet de consolider la différenciation créée par l’innovation
produit et l’innovation de procédé, notamment dans l’habillement (recherche de
réactivité, de qualité et de créativité dans l’espace de la mode) ; et ainsi d’accentuer
les handicaps réels ou supposés de la grande importation.
28Le
tableau 2 montre l’impact de la stratégie des industriels européens. Sont
présents parmi les pays exportant des produits textiles vers l’UE, des PVD
cotonniers (Turquie, Inde, Pakistan) ; et parmi les exportateurs de vêtements,
la Turquie, le Maroc et la Tunisie, mais aussi la Roumanie ou la Pologne.
L’accélération des échanges commence au début des années 1980, et la
progression s’achève pour ces pays (à l’exception de la confection en Turquie)
en 2001. Pour la Roumanie et le Bangladesh, le retournement se produira en
2003. C’est la Chine qui va s’imposer comme le producteur incontournable de la
confection mondiale.
2
Principaux
fournisseurs de l’Union européenne en produits du textile et de l’habillement
29Au
niveau mondial, le renforcement du poids relatif de la Chine apparaît très
nettement dans le tableau 3. Hors échanges intra-européens, la Chine devient le
premier fournisseur mondial de produits textiles en 2004. Les NPI s’effacent
sur la fin de période : la Corée du Sud et Taïwan retrouvent en 2004 des parts
dans les exportations mondiales inférieures à celles de 1990.
3
Les
principaux exportateurs textiles dans le monde
30Le
tableau 4 précise quant à lui le rôle de la proximité au sein des zones : la
Turquie et la Roumanie jouent un rôle de plus en plus important dans la zone
Euromed ; et le Mexique bénéficie de son intégration à la zone Alena jusqu’en
2000.
4
Les
principaux exportateurs d’habillement dans le monde
31Cependant,
au niveau des firmes, les parties sous-traitance ou filialisées de la filière
sont difficiles à gérer : elles exigent des moyens humains et financiers ad
hoc, au moment où la modernisation des équipements mobilise également des
moyens sur le versant strictement industriel de la stratégie. La tendance à la
structuration oligopolistique de la filière des pays industrialisés va se
renforcer sous la contrainte de ces exigences.
32Par
ailleurs, les résultats de cette seconde période de l’internationalisation sont
au mieux une tendance à la diminution des coûts moyens, à partir de mixage
d’opérations associant production locale dans les pays industrialisés et
production en provenance des pays à bas coûts de main-d’œuvre. En conséquence
les industriels vont de plus en plus délaisser la production pour se tourner
vers l’international.
33Ceci
va permettre à la distribution organisée, jusque-là cliente de l’industrie, de
s’adresser directement aux producteurs effectifs, les sous-traitants, et ainsi
à bénéficier sans intermédiaire des bas coûts de production. Ces sous-traitants
disposent en effet de courbes d’apprentissage rapides, et peuvent proposer des
outils et des compétences humaines de plus en plus comparables à ceux des pays
industrialisés. L’entrée de la Chine dans l’OMC va changer la dimension du
phénomène et ainsi changer la nature de la mondialisation.
1.3
– La troisième période : l’internationalisation dérégulée
34Cette
période est caractérisée fondamentalement par l’absence de régulateurs
internationaux. En l’absence de régulation mondiale, l’OMC se contente de se
référer aux règles du marché, dans le cadre de l’internationalisation des
échanges et des activités. Les acteurs ne sont liés que par des obligations
symboliques (bonne gouvernance, normes sociales et environnementales), car
c’est le jeu du libre marché qui doit apporter le bien-être [2]
[2]Le rapport annuel 2005 de l’OMC indique ainsi (page 5)
:….
35A
cet égard, la fin des Accords Textile Vêtements (ATV) début 2005 ne fait
qu’accentuer la tendance de la fin des années 1990, et s’avère de ce point de
vue exemplaire. Les flux d’importations en provenance de Chine ont augmenté
fortement et rapidement, aussi bien vers l’Union européenne que vers les
États-Unis. Une telle évolution était largement prévisible ; elle correspondait
à une nouvelle étape de l’ouverture des échanges internationaux dans la filière
textile, totalement admise, car négociée de longue date, par les différents
acteurs.
36L’année
2005 a sonné le retour à la norme du libre-échange pour la filière
textile-habillement, après plus de quarante années de mesures protectionnistes
tarifaires (droits de douane) et non tarifaires (quantitatives et
qualitatives).
37Sur
un autre plan, l’adhésion de la Chine à l’OMC, et l’institutionnalisation des
accords de libre-échange (GATT) lors de la création de cet organisme — avec des
négociations qui ont également duré — n’étaient ignorées de personne. Tous les
acteurs de la filière connaissaient les conséquences d’une ouverture des
frontières, et ils pouvaient d’autant mieux anticiper l’irruption à venir des
produits chinois que l’expérience historique des années 1980-1990 avec les «
tigres » de l’Asie du Sud-Est (Corée du Sud) avait déjà montré l’impact sur les
échanges de la filière de la montée en puissance de producteurs disposant de
l’avantage d’un coût de main-d’œuvre très bas. Et la Chine de ce point de vue
est particulièrement en pointe puisque le coût de sa main-d’œuvre est l’un des
plus bas du monde.
38Les
chiffres parlaient déjà bien avant le début 2005, comme le montre le tableau 2.
La Chine était déjà le premier fournisseur de produits textiles dès 2002 pour
l’UE, avec un poids relatif croissant dans les importations européennes. Pour
l’habillement la Chine était, dès 1995, le principal fournisseur de l’Union
européenne à 15 (tableau 2). Pour l’Union européenne à 25 (hors Pologne), les
importations de vêtements en provenance de Chine font plus que doubler de 2000
à 2005, alors que, pour les autres grands fournisseurs de l’UE (Turquie, Inde,
Roumanie et Bangladesh), les importations croissent, au mieux, de 50 %, tandis
qu’elles stagnent pour la Tunisie et le Maroc (tableau 5).
5
Principaux
fournisseurs de l’Union européenne à 25 *
39Ceci
se vérifie aussi bien pour l’UE que pour les autres grands pays importateurs :
États-Unis, Japon et Canada (tableau 6). Ainsi, pour les États-Unis, sur un
total de 75,7 milliards de dollars d’importations en vêtements en 1999, le
Mexique comptait encore pour 7 milliards de dollars, soit à un niveau très
proche de la Chine. En 2005, le Mexique compte pour 6,4 milliards de dollars,
sur un total de 80 milliards de dollars, et la Chine pour 21 milliards de
dollars.
6
Principaux
clients de la Chine et de Hong Kong en vêtements
40La
rupture est brutale entre 2004 et 2005. Mis à part le Japon, les hausses
d’exportations de vêtements en provenance de Chine augmentent considérablement
: 47 % pour les États-Unis, environ 44 % pour l’UE (tableau 6). La progression
au Japon est plus limitée : mais la Chine représente 81 % des importations
japonaises en 2005. Au Canada, la Chine et Hong Kong comptent pour 48,3 % de la
totalité des importations en vêtements ; et aux États-Unis, pour 31,4 %. L’UE
semble moins pénétrée ; mais parce qu’elle intègre dans ses statistiques
d’échanges le commerce intra-UE. Hors cette partie du commerce, la Chine et
Hong Kong représentent en 2005 environ 35,5 % de la totalité des importations
extra-UE.
41L’autre
caractéristique essentielle de cette rupture, c’est qu’elle atteint fortement
les PVD ou NPI. L’exemple du Mexique est assez clair : NPI privilégié dans ses
relations avec les États-Unis, le Mexique passe de 9,2 % des importations de
vêtements de 1999 à moins de 8 % en 2005. À partir de 2002, le Maroc et la
Tunisie cèdent du terrain dans leurs relations commerciales avec l’UE (tableau
5). La Turquie et l’Inde tirent leur épingle du jeu ; mais les autres PVD
(Bangladesh) ou NPI (Roumanie) supportent également un recul entre 2004 et
2005.
42En
2005, c’est un palier qui a été franchi dans la progression des exportations de
la Chine dans la filière textile-habillement. Des mesures de protection
temporaires ont été prises au printemps 2005 aussi bien aux États-Unis que dans
l’Union européenne, qui ont freiné le processus en cours, mais ne l’ont pas
stoppé. Contrairement à ce que soutient notamment l’IFM[3]
[3]Voir aussi séminaire « Perspectives internationales mode
et… (IFM, 2006), les premiers résultats de l’année 2006, sur la période
janvier-septembre pour l’Union européenne, et janvier-octobre pour les
États-Unis confirment que la progression des importations de Chine continue et
ceci de manière nette :
43Pour
l’Union européenne :
◊
Sur la période janvier-septembre, selon les données COMEXT d’EUROSTAT, la
progression des importations d’habillement est de 14,3 % (tableau 7) entre 2005
et 2006, en considérant l’ensemble Chine/Hong Kong (qui sert manifestement de
relais commercial depuis le début 2006).
◊
Selon les données des douanes de Chine, les exportations de vêtements à
destination de l’Union européenne croissent de 15,0 % sur la période
janvier-octobre. Plus encore, le taux de progression est de 66,2 % pour les
vêtements de laine tricoté, de 59,8 % pour les vêtements de tissus de laine, de
25,8 % pour les vêtements en tissus de coton, de 35,7 % pour les vêtements en
fourrures.
◊
Toujours selon les douanes de Chine, les exportations d’accessoires du vêtement
croissent de 23,2 % sur la même période, et les exportations de « bonnets-chapeaux
» croissent de 28,1 %.
7
Échanges
Union européenne Chine et Hong Kong dans le textile et l’habillement (9
premiers mois de chaque année)
44Pour
les États-Unis, sur la période janvier-octobre, la progression des importations
de l’ensemble de la filière textile-habillement de 2005 à 2006 s’élève à 10,4 %
(soit 2,4 milliards de dollars), et de 9,6 % pour l’habillement seul (soit 1,5
milliards de dollars) (source : US Census, Foreign Trade Statistics, 12
décembre 2006).
45Pour
l’Union européenne et les États-Unis les protections quantitatives ont certes
freiné la progression sur les quantités importées directement de Chine, mais
les effets de ces protections sont partiels :
◊
On constate une montée des valeurs unitaires de certains produits exportés par
la Chine (notamment pour les vêtements de laine tricotés : + 57 %, Douanes
Chine, CCPIT TEX, 14 décembre 2006), la montée en qualité compensant pour une
part les pertes imputables aux restrictions sur les quantités.
◊
D’importants changements apparaissent en 2006 dans le réseau d’exportation de
vêtements par la Chine. Ainsi les exportations d’habillement à destination de
grands fournisseurs de l’Union européenne croissent massivement : 817 % pour la
Roumanie, 1 026 % pour la Bulgarie, 1 407 % pour la Turquie, (période
janvier-septembre 2006, Douanes Chine, TEX CCCT, 22 novembre 2006). Ces flux
s’élèvent à 5,6 milliards de dollars, et on doit s’interroger sur leur
destination finale. Pour la Bulgarie et la Roumanie, il s’agit d’une opération
de contournement des contingentements par l’Union européenne des importations
en provenance de Chine (Fibre2fashion, 18-12-2006, et Sinocast, 09-01-2007) ;
c’est du moins ainsi que les médias spécialisés l’analysent. Il s’agit aussi
d’obtenir la prise en compte de ces nouveaux flux dans les contingents
européens. Il reste ensuite à trouver par quel cheminement ces produits sont
entrés dans l’Union européenne, car ils ne sont manifestement pas destinés aux
marchés locaux des pays importateurs [4]
[4] Si les sites économiques nationaux de la Bulgarie et de
la….
Ces
faits se situent dans un contexte d’accélération de la pénétration du marché
mondial de l’habillement par l’industrie chinoise. De janvier à novembre 2006,
les exportations chinoises de la filière atteignent 130,6 milliards de dollars
US, soit une progression de 24,7 % relativement à la même période de l’année
2005. L’habillement compte à lui seul pour 86,2 milliards de dollars US, soit
une progression de 28,3 % (contre 19 % en 2004) (tableau 8).
8
Taux
de croissance des exportations de textile-habillement de la Chine vers le Monde
46Sur
la période janvier-octobre 2006, le premier client de la Chine est l’UE, avec
18,7 milliards de dollars US (+ 15,3 %), suivi par Hong Kong avec 18,4
milliards de dollars US (+20,8 %) et les États-Unis, avec 17 milliards de
dollars US (+ 12,6 %).
47Les
soldes des balances commerciales se creusent entre la Chine et l’UE ; si le
rythme de dégradation semble légèrement faiblir entre 2005 et 2006, il reste
significatif, et Hong Kong ne pouvant consommer autant que l’UE il est
nécessairement un des relais de l’industrie chinoise sur les marchés
extérieurs.
48Ainsi,
en quelques années un bouleversement des rapports de force au sein de la
filière industrielle textile-habillement s’est produit : le couple «
distribution organisée »-Chine a pris le contrôle de son évolution. La
compétition engagée relève de la logique de l’avantage concurrentiel (Porter,
1990).
49En
substituant des produits importés à ceux qu’ils fabriquaient, les industriels
des pays industrialisés ont ouvert une boîte de Pandore. Non seulement les
activités ont été délocalisées, mais aussi et de plus en plus les dernières
technologies ; les PVD — et surtout la Chine — ont investi massivement dans
toute la filière, y compris dans sa partie textile. Ils ont acquis la capacité
d’offrir une gamme large de produits, y compris vers le moyen et le haut de
gamme. L’Institut Français de la Mode remarquait — dans sa lettre de décembre
2005 — que la Chine a investi en tissage « sur les dix dernières années 10 fois
plus que les quatre plus gros investisseurs mondiaux sur la même période, à
savoir : Taïwan, l’Italie, la Turquie et la Corée » ; et ceci, avec des
matériels très modernes. En 2004, la Chine s’est fait livrer 48 231 métiers à
tisser sans navette, sur un total mondial de 65 534 métiers exportés. En outre,
la Chine a dépassé en 2004 l’Inde en équipement de filature classique
cotonnière. À nouveau, les industriels des pays industrialisés ont oublié les
leçons de la première vague de délocalisations, la Corée du Sud ayant
finalement remonté la filière jusqu’à proposer ses créations en haute couture.
En devenant des « organisateurs » de la délocalisation mondiale, ils ont montré
le chemin à suivre à la distribution organisée. Ils ont eux-mêmes démontré que,
dans un tel système, ils étaient devenus le chaînon en trop.
9
Comparatif
des rémunérations Chine-France dans les industries manufacturières
50La
distribution organisée a donc pris la route de la Chine, ouverte par les
industriels. Avec des armes bien plus importantes. Par définition, le métier de
distributeur s’appuie sur des compétences en logistique et des réseaux de
magasins ; en adossant ensuite ces deux avantages à des capacités de création
propres (bureaux de style propres ou en sous-traitance), les chaînes ont pu
rapidement se passer des industriels, devenus inutiles. Le piochage
international peut alors se déployer, avec une quête sans fin du fournisseur
qui accepte de baisser ses prix ; le distributeur n’a pas à s’encombrer
d’outils de production, il se contente de mettre en compétition les zones
possibles d’approvisionnement. La concurrence est devenue « sauvage » pour les
producteurs industriels de la filière, quelle que soit leur localisation.
51Les
industriels des pays industrialisés n’ont plus comme alternative que de
chercher des niches de plus en plus étroites, ou de s’engager eux-mêmes dans la
distribution (Valentino…) ; et les multinationales n’hésitent plus à se
désengager de la filière industrielle : Sara Lee, longtemps classée première
firme mondiale de la filière, a mis en vente ses diverses activités textiles ;
les « dommages collatéraux » ne sont pas minces, comme le montre la restructuration
de Dim, en Europe.
52Tout
au long de ces trois périodes, la filière fait apparaître ses spécificités, y
compris au regard des formes que revêt l’internationalisation. D’une part, la
filière, d’abord catégorisée dans les industries de main-d’œuvre peu qualifiée,
se transforme progressivement en filière complexe, où coexistent des formes de
main-d’œuvre diverses quant aux qualifications, rémunérations, savoirs-faire ;
d’autre part, la filière présente des champs d’innovations importants, non
seulement sur les produits, mais aussi sur les techniques à tous les stades de
fabrication et quant aux formes d’organisation entre ces stades ; elle
capitalise sur une segmentation ancienne et s’adapte (sous-traitance, trafic de
perfectionnement passif, innovation organisationnelle interne…) par des
recompositions productives inédites. Ses formes d’internationalisation, dans un
premier temps très « classiques », cèdent du terrain à un couple «
création-commercialisation » ; l’internationalisation devient une affaire de
logistique et de coordination des activités. Ce couple est confisqué par la
distribution organisée ; en relation avec un acteur privilégié : la Chine. Cet
acteur mérite qu’on s’y attarde, car il peut être rapidement en mesure, à son
tour, de pouvoir se passer de la distribution organisée de l’UE et des
États-Unis.
2
– La montée de la Chine : l’anti-spécialisation
53La
Chine, qui apparaît pour les entreprises délocalisant leur production ou la
choisissant comme sous-traitant, comme un lieu de multiplication miraculeuse
des profits, est en fait un redoutable concurrent pour les nations
industrialisés et pour leur périphérie. La Chine acquiert progressivement le
savoir-faire et les technologies des grandes nations industrielles mondialisées
tout en conservant les atouts des pays à bas salaires. Quelques indicateurs de
base montrent que ce pays dispose d’ores et déjà de capacités humaines,
technologiques et financières significatives, même si ces dernières ne sont pas
encore à la hauteur de sa puissance potentielle (plus de la moitié de sa
population — qui est rurale — est encore à l’écart du puissant mouvement de
transformation que la Chine a entrepris).
54La
Chine se caractérise par un niveau d’éducation élevé, des salaires très
faibles, une forte infrastructure et une bonne logistique de transport. Ces
avantages sont décisifs pour expliquer la montée en puissance de la Chine dans
l’économie mondiale ; notamment quant à la stratégie qu’elle développe dans les
échanges internationaux. La principale conséquence est une concentration
progressive de la production vers la Chine, qui est demandeuse d’implantations
et demandée comme pays d’accueil. La Chine devient progressivement le grand
atelier du monde.
2.1
– L’avantage coût
55Avec
un rapport de plus de 11 entre les salaires français et chinois, il est
impossible de concurrencer les firmes chinoises, notamment dans les activités à
forte intensité de main-d’œuvre, y compris qualifiée.
56Les
firmes chinoises disposent de moyens humains de plus en plus proches de ceux
qui sont disponibles dans les pays occidentaux. Dans l’industrie de
l’habillement, qui est à forte intensité de travail, l’avantage de la Chine est
décisif.
2.2
– La technologie
57En
matière de compétitivité, l’avantage prix est le plus fréquemment nécessaire ;
il l’est de manière certaine dès qu’un processus de production ou une
innovation produit sont diffusés. Mais l’avantage prix ne peut à lui seul
assurer une compétitivité large et autonome, et ceci est vrai pour la filière
textile-habillement comme pour les activités dites de haute technologie. La
Chine l’a depuis longtemps compris. Si la Chine n’a pas encore atteint les
niveaux des États-Unis, du Japon ou de l’Union européenne, le tableau 10 montre
à partir des effectifs engagés dans la recherche et le développement au sens
large que son potentiel atteint plus de la moitié du potentiel de l’Union
européenne. Et ce potentiel semble croître à un taux d’environ 5 % par an, ce
qui est loin d’être le cas de celui de l’Union européenne. Ce niveau et cette
tendance se retrouvent d’ailleurs dans la publication récente de l’OCDE (2006).
10
Personnel
de R&D – Union européenne et Chine
58Le
processus de rattrapage de la Chine est net. En poids relatif de la population,
l’effort est considérable, par suite des retards accumulés. Mais l’effet de
masse joue à plein, pour ce qui est des activités pouvant être tournées vers
l’exportation.
2.3
– L’échange extérieur de la Chine avec l’Union européenne
59La
Chine a de forts besoins en produits de base, qui ont engendré ces dernières
années de multiples tensions sur les cours internationaux des matières
premières. Ces besoins sont également le signe clair du processus de
transformation rapide de l’économie chinoise, matérialisée par ses taux de
croissance.
60Les
échanges de la Chine avec l’Union européenne indiquent un phénomène assez
particulier : les échanges industriels de la Chine sont presque sans
spécialisation réciproque. Le tableau 11 des échanges de la Chine avec l’UE (à
25) montre en effet que l’UE cumule des déficits dans une forte majorité de
groupes d’activités, d’ailleurs de plus en plus lourds, et de faibles
excédents, mais de plus en plus réduits.
11
Solde
des échanges Union européenne Chine dans l’industrie
61En
2000, le déficit commercial de l’UE à 25 était d’un peu plus de 48 milliards
d’euros ; en 2005, il atteint près de 107 milliards d’euros. Il n’est donc pas
étonnant de voir la Chine modifier sa politique de change, et prendre en partie
pour réserve l’euro à côté du dollar US ; ce qui d’ailleurs a accentué la
baisse de ce dernier fin 2006.
62On
pourrait chercher dans ce tableau une logique d’avantages comparatifs. On
pourrait poser que les petits excédents et les moindres déficits sont des avantages
comparatifs, selon la logique de l’indice de contribution au solde du CEPII.
Mais ce serait pour éviter de voir que la Chine utilise ses avantages absolus,
et que de surcroît elle bénéficie d’alliés de chocs dans les pays occidentaux,
et notamment dans l’Union européenne.
63Dans
l’Union européenne, les firmes de la distribution organisée et de la grande
distribution ont organisé la sous-traitance de la production européenne et
péri-européenne vers la Chine. Mais le phénomène ne s’arrête pas là : en
France, l’Institut Français Textile-habillement (IFTH) normalement au service
des producteurs et clients (industriels, commerçants et consommateurs) favorise
désormais le transfert des productions françaises en Chine et la pénétration
des firmes chinoises indépendantes sur le marché européen. L’IFTH a créé une
joint-venture avec le chinois CMA Testing and Certification Laboratories ;
cette joint-venture IFTH-CMA Limited, basée à Hong Kong, a une mission très
claire :
64«
IFTH-CMA s’impose comme un partenaire indispensable pour contrôler vos
productions en provenance d’Asie. Que vous ayez besoin d’une inspection sur les
lieux de production de vos fournisseurs, que vous souhaitiez qualifier vos
produits avant transport et commercialisation, IFTH-CMA vous assurera sur vos
productions asiatiques le niveau de qualité habituel de l’IFTH en France.
Véritable appui pour résoudre vos problèmes de production associés à votre
stratégie marketing et au développement de vos différents marchés, IFTH-CMA
sera également le bon interlocuteur pour les entreprises asiatiques qui
souhaiteraient pénétrer le marché européen en s’assurant de respecter la
réglementation sur la santé, la sécurité et le confort du consommateur. En se
réunissant, IFTH et CMA Testing créent une capacité d’intervention au niveau
mondial »[5]
[5]http:// www. ifth. org/ et www. ifth-cma. com..
65La
structure de soutien de l’industrie française est ainsi mise à la disposition
de l’industrie chinoise, lui permettant de résoudre nombre de problèmes qualitatifs
liés à l’exportation et à accéder sans investissements au savoir-faire sans
lequel l’avantage prix ne se concrétise pas en avantage compétitif. Pour
l’industrie chinoise du Textile-habillement, la courbe d’apprentissage est
massivement raccourcie.
3
– Baisse du degré de concurrence dans l’habillement
66L’offre
européenne en habillement est de moins en moins le fait des industriels de la
filière. Comme nous l’avons vu, les distributeurs se chargent eux-mêmes de
négocier leurs achats directement à la grande importation. Le poids des chaînes
de distribution dans l’offre de vêtements s’est renforcé et s’accélère depuis
les années 2000. Leur domination est assez nette, et ne se traduit pas —
contrairement à ce que prédit la théorie libérale — par une baisse des prix.
Par suite, la contrepartie de la montée en puissance de la Chine dans les
échanges mondiaux consiste en l’émergence de situations de rentes pour les
distributeurs, ceux-ci confisquant une grande partie de la baisse des coûts
d’achat à l’international. Les intérêts entre la Chine (élimination des pays
concurrents) et la grande distribution (constitution de rentes) sont pour le
moment communs. Jusqu’au moment où la Chine sera en telle position de force sur
la filière qu’elle pourra à son tour imposer ses conditions.
3.1
– La concentration de l’offre commerciale dans la grande distribution
67La
grande distribution (y compris la distribution organisée, comme les chaînes…)
joue fondamentalement sur les sources d’approvisionnement à bas prix, et exerce
un rôle de plus en plus actif dans la filière. Sa puissance est devenue
considérable. En quelques années, les groupes de distribution textile prennent
une place centrale dans la filière, pour leur plus grand profit.
68Ainsi,
qu’il s’agisse des chiffres d’affaires, des résultats nets accumulés sur les
années 1999 à 2005 et de l’évolution des fonds propres, la prégnance des firmes
multinationales sur la filière est manifeste. Sans reprendre le détail des
comptes de ces firmes, il suffit encore de savoir que leurs achats comptent en
2005 entre 42 et 45 % de leurs chiffres d’affaires. La valeur des achats des 6
groupes européens listés dans le tableau 12 (hors Camaïeu) représentent à eux
seuls un montant équivalent à 40 % des importations chinoises de l’UE à 25.
Autre caractéristique de ces achats, la diminution de leur poids relatif dans
le chiffre d’affaires des firmes (les achats comptaient entre 45 et 50 % début
2000) explique à la fois les fortes hausses de profits, et surtout la faible
répercussion de la baisse des prix à l’importation sur les prix aux
consommateurs. Les firmes soulignent d’ailleurs dans leurs rapports d’activité
que leur approvisionnement se tourne vers l’Asie. Camaïeu indique pour l’année
2005 que 62 % de ses achats viennent d’Asie, 33 % du Maghreb et d’Europe, et 5
% de France ; Esprit, qui réalise 85 % de son chiffre d’affaires en Europe,
achète les deux tiers de ses produits en Asie.
12
Les
groupes de la grande distribution en produits d’habillement
69L’exemple
français peut aider à comprendre la puissance de la grande distribution
organisée. En effet, la structure de la distribution des vêtements (tableau 12)
met en évidence le poids de la distribution organisée. Les chaînes spécialisées
(comme Zara, Camaïeu, Promod…), les chaînes de grande distribution (comme
Kiabi, ou la Halle aux vêtements…), les chaînes de sport (comme Décathlon ou Go
Sport, dont près de la moitié du chiffre d’affaires consiste en vêtements), et
les grandes surfaces à dominantes alimentaires (essentiellement les
hypermarchés, plus marginalement les supermarchés) comptent pour 59,2 % des
ventes d’habillement en France. Cette puissance s’accroît d’année en année ;
elle se nourrit notamment du recul constant du canal des « magasins
indépendants ». Au total, en intégrant à cette distribution organisée la Vente
à Distance (La Redoute, 3 Suisses, Damart…), son poids dépasse les deux tiers
du marché (66,3 % en 2002 ; 67,6 % en 2005).
13
France.
Répartition des canaux de distribution des vêtements
70D’une
part, la progression des importations est générale pour les grands pays
européens, mais plus importante que la moyenne pour l’Allemagne (le plus gros
importateur) et le Royaume-Uni. La France, et dorénavant l’Espagne et l’Italie,
contribuent également très fortement à l’afflux de produits chinois.
71Ainsi,
sur 21 milliards d’euros de produits textile-habillement importés de Chine en
2005, 4,5 milliards sont à destination de l’Allemagne, 4,1 du Royaume-Uni, 3,1
de l’Italie, 2,7 du Benelux, 2,2 de la France et 1,7 de l’Espagne (Comext,
Eurostat, novembre 2006).
72D’autre
part, il existe des lieux de passage obligés (Belgique, Pays-Bas) où les
grandes chaînes spécialisées bénéficient de conditions fiscales intéressantes
et de zones portuaires accueillantes pour les containers de vêtements. Ainsi,
le groupe Kibé (famille Mulliez) est installé en Belgique ; de même que la
chaîne Kiabi (groupe Mulliez), via sa filiale Kiabi Stock Central Belgique. Il
en va de même du groupe américain Liz Claiborne (enseigne Mexx), qui a pris ses
quartiers européens aux Pays-Bas.
73Ceci
explique que les importations par tête en produits d’habillement des Belges et
des Hollandais sont les plus importantes de l’UE (graphique).
74De
fait, les Belges doivent avoir des besoins particuliers, ceux des groupes de la
grande distribution qui utilisent comme base arrière logistique leurs ports.
Même l’Italie, seul pays offrant encore une structure industrielle
significative pour le textile et l’habillement, est affectée par les
importations chinoises.
3.2
– Les marges et les profits de la grande distribution explosent
75Les
résultats des multinationales de la distribution s’envolent ces dernières
années, qu’elles soient américaines, japonaises ou européennes ; il en va de
même pour leur accumulation de capital (et ceci, après de fortes distributions
de dividendes).
76Cette
amélioration est largement conditionnée par l’accroissement des marges des
firmes de la distribution organisée, liée aux importations à bas prix, qui se
répercute jusqu’au résultat final.
77L’amélioration
des marges peut être illustrée par l’exemple français. Celui-ci montre que le
taux de marge commerciale du commerce d’habillement est non seulement bien plus
élevé que la moyenne des autres activités commerciales, mais qu’il s’améliore à
un rythme beaucoup plus rapide que les autres commerces (tableau 14).
14
Taux
de marge commerciale en France
78Entre
1999 et 2003, le commerce d’habillement et chaussures a gagné 1,5 point, soit
nettement plus que toutes les autres formes de commerce. Les résultats des
grandes firmes multinationales confirment cette explosion des profits et de
l’accumulation du capital (tableau 15).
15
Les profits et l’accumulation du
capital des groupes de la grande distribution
79En
fait, la grande distribution présente en Europe une structure oligopolistique
de plus en plus marquée. La concurrence par les prix ne joue guère ; et les
autres formes de concurrence (rôle de la mode ; ouvertures de points de vente ;
segmentation très forte de chaque marché, y compris en multipliant les
enseignes) déclinent le modèle oligopolistique des marchés. Deux exemples
peuvent aider à le comprendre.
80La
stratégie de H&M, Inditex… consiste à conquérir des parts de marché par une
stratégie d’ouverture de points de vente. H&M sur un modèle de boutiques de
surface importante, la segmentation étant réalisée au sein du magasin (les
univers de la mode, avec séparation homme/femme/enfant…) ; Inditex sur un
modèle de diversification des enseignes (Zara, Bershka, Massimo Dutti, Kiddy’s
Class, Zara Home, Stradivarius, Pull and Bear) ; Esprit sur l’usage de magasins
propres, de corners, d’affiliés, de licenciés…
16
Évolution
du nombre de points de vente contrôlés par les principaux groupes
81En
France, cette stratégie oligopolistique de la distribution organisée se
matérialise par l’accroissement du nombre de magasins, laquelle s’accompagne
d’une diminution des petites surfaces et d’un accroissement des magasins de
plus grande taille (tableau 17).
17
Nombre
et taille des points de vente en France
82Cette
structure oligopolistique permet l’appropriation des bénéfices dus aux baisses
de prix obtenues des zones d’importations. Par suite, les niveaux de prix ne
diminuent pas dans l’UE, alors que l’ensemble des publications de l’OMC
attirent l’attention sur cet avantage décisif qu’apporte le libre échange
international : l’amélioration du pouvoir d’achat des consommateurs.
3.3
– Les prix ne baissent pas dans l’UE, à l’exception du Royaume-Uni
83De
fait, l’énorme majorité des « consommateurs » européens n’a pas bénéficié
jusqu’à présent véritablement d’une baisse des prix à la consommation (tableau
18).
18
Évolution
des prix de l’habillement dans l’UE
84Il
est ainsi très clair que la zone euro a vu ses prix de produits d’habillement
plutôt augmenter entre 2000 et 2006, qu’en Italie et en Espagne les prix
augmentent nettement, qu’en France les prix sont aux mieux stables, et qu’en
Allemagne les prix enregistrent une baisse homéopathique depuis mars 2003 ; le
seul pays à bénéficier d’une forte baisse des prix est le Royaume-Uni.
85Ceci,
alors qu’entre les années 2000 et 2004 les prix moyens à l’importation des
textiles chinois (composante vêtements) ont diminué de près de 20 %, que cette
tendance s’est accélérée en 2005 avec une baisse de 14,5 %, qui se confirme en
2006 selon pour les premières informations disponibles.
86Si
les prix à l’achat des produits importés diminuent et que les prix de vente sont
pour le moins stables, c’est au bénéfice de la distribution. C’est pourquoi
l’accroissement des marges des distributeurs et l’accumulation rapide du
capital pour quelques grandes multinationales de la distribution de vêtements
(H&M ; Inditex Zara, Gap…) ont été possibles.
87Nous
sommes donc dans une situation où la grande distribution organisée confisque
les gains de l’échange international et devient rentière. La suite dépendra
largement de la Chine et de la position de force qu’elle va acquérir au fil des
années, en éliminant la concurrence non seulement des pays occidentaux mais
aussi des pays fournisseurs de l’Union européenne et des États-Unis. Au rythme
actuel de croissance des exportations d’habillement par la Chine (28 % en
2006), l’échéance ne peut être supérieure à quelques années. La rente
habillement changera de main. La Chine, par l’intermédiaire du groupe Esprit
basé à Hong Kong, a déjà réussi une implantation très significative (avec 4 061
points de vente propres, et une présence dans 6 146 points de vente en Europe
au 30 juin 2006), et sera bientôt en mesure de commercialiser ses productions
en faisant l’économie de l’intermédiation des grands distributeurs européens
devenue inutile.
Conclusion
88Alors
qu’elle avait contribué, dans les années 1970 et 1980, à des acquis décisifs
dans son domaine d’activité, la filière textile-habillement-cuir offre au début
de ce millénaire le spectacle d’une triste mondialisation : la course à la
rente et la fortune pour certains, au prix de ruines économiques. Les acquis
fondamentaux étaient :
◊
Des innovations multiples sur les fibres, les produits et plus généralement la
capacité à améliorer la satisfaction du besoin élémentaire de se vêtir d’un
côté (sur les plans quantitatif et qualitatif), et à proposer de nouvelles
solutions pour d’autres besoins (textiles de la maison, techniques).
◊
Des innovations techniques à tous les stades de production de la filière,
permettant d’accroître fortement les rendements, tout en réduisant la pénibilité
de nombreux postes de travail.
◊
Une redistribution mondiale des capacités de production vers les pays du
Tiers-Monde, assurant à ces derniers un potentiel — plus ou moins bien utilisé
— d’insertion aux flux d’échanges, et par là de développement.
Les
cercles vicieux s’installent depuis la fin des années 1990 :
◊
L’innovation « produit » cède le pas à la superficialité des modes comme moyen
de renouveler une consommation saturée dans les pays riches ; satisfaire ses
besoins (y compris sur le plan du paraître) ne doit pas conduire à des
gaspillages de ressources rares (terres agricoles, pétrole…).
◊
Le rythme et l’impact des innovations technologiques ont atteint un palier, et
les gains de productivité deviennent faibles ; la diffusion des innovations
majeures à l’échelle mondiale a réduit considérablement les avantages des bas
coûts de main-d’œuvre pour les filatures et les tissages. Si la localisation
devient moins importante pour les coûts de production de la partie textile
mature, compte tenu du degré d’intensité de capital atteint, c’est par contre
une logique de « proximité géographique » avec l’aval de la filière,
l’habillement, qui va permettre des gains. Et l’habillement, pour lequel
l’effet des coûts salariaux sur la compétitivité demeure essentiel, entraîne le
textile dans son mouvement de délocalisation vers la Chine.
◊
La redistribution internationale des tâches conduit à une véritable «
confiscation » de la filière du textile-habillement-cuir par quelques pays
(Chine, Turquie), avec des déséquilibres (sécurité des approvisionnements à
terme ; poches d’accumulation de capitaux à orientation de plus en plus
financière…) pouvant mener à des crises graves, à impact mondial. Le modèle
industriel (la Chine « atelier » du monde) peut conduire à des schémas
identiques à ceux des matières premières de rente (pétrole), avec des effets de
rareté et de spéculation.
Fondamentalement,
ces cercles vicieux ont pour origine la stratégie des firmes (du
textile-habillement-cuir et de distribution). Ces firmes ont pris le pouvoir
sur une économie de marché de plus en plus libérée (à leur égard) de toute
règle du jeu.
89La
mondialisation actuelle est menée par les firmes, sans que les organisations à
« pouvoir mondial » (comme l’OMC, le FMI, la Banque mondiale) n’exercent de
prérogatives qui aillent à l’encontre des intérêts des firmes lorsque leurs
comportements portent atteinte à des intérêts généraux ou nationaux, et
génèrent des déséquilibres. Ainsi, l’OMC dicte des règles micro-économiques sur
« les bonnes manières » libérales de pratiquer la division internationale du
travail, sans se préoccuper des impacts globaux sur l’utilisation des
ressources, sur les modes de consommation, sur l’économie des pays. Les actions
des firmes sont censées atteindre des résultats optimaux en tous domaines, dans
le cadre de marchés supposés libres.
90En
assimilant abusivement les firmes et l’économie de marché, les interdépendances
essentielles entre acteurs ont été évacuées. De manière plus précise, ces
interdépendances sont le plus souvent réduites à leur exercice vu du côté des
firmes, par exemple en termes de gouvernance et de bonnes pratiques. Ce
faisant, les autres « pouvoirs » réduisent leurs diverses capacités à agir. Les
pays, ou les unions de pays, dépouillés de réels pouvoirs ou volonté politique
vont, dans cette filière comme dans d’autres, être les perdants. Les pays qui
ont une vision de leur avenir et des objectifs en termes de structure sont
capables de canaliser les événements actuels pour se créer des avantages
concurrentiels massifs et peut-être durables. Ainsi la Chine mobilise des
ressources considérables pour le développement de sa filière
textile-habillement-cuir, tandis que l’Union européenne attend que les « choses
» s’arrangent, ne sachant que faire face à une situation qui heurte son dogme
de l’ouverture.
91C’est
la possibilité d’un nouveau mode de production et d’organisation mondiale qui
est à démontrer et à construire, avec les institutions qui l’accompagnent,
comme le montrent Beck (2003) et de Senarclens (2000). On sait aussi que la
mondialisation n’est pas en soi un progrès et qu’elle peut échouer (Berger,
2003).
Annexe
Les
volumes d’échanges et de production
92L’évolution
des échanges en valeur est évidemment soumise aux aléas des variations de
change (le cours du dollar a beaucoup bougé sur la période — c’est d’ailleurs
du fait de ces variations que les échanges des NPI du Sud-Est asiatique avec
l’Europe et les États-Unis fluctuaient), et à une évaluation en valeurs
constantes. Afin de donner une autre idée de l’importance de l’accroissement
des échanges, les données en volume des diverses fibres employées dans la
filière restent un bon indicateur de la croissance de la filière mondiale.
Production
mondiale de coton, de laine et de fibres chimiques
93À
titre d’information supplémentaire indiquant la montée en puissance de la Chine
dans la troisième période qui a été analysée, ce pays fabriquait 11 811
milliers de tonnes de textiles synthétiques et cellulosiques, soit le 1/5e de
la production mondiale en 2003 (source : Chine National Textile & Apparel
Council).
Notes
◊
[1]
Il s’agit d’avantages comparatifs au sens d’Ohlin donc
d’avantages en valeur dans lesquels interviennent notamment les prix des
facteurs de production.
◊
[2]
Le rapport annuel 2005 de l’OMC indique ainsi (page 5) : «
L’expiration de l’ATV et l’achèvement de la période transitoire d’application
de 10 ans pourraient non seulement se traduire par un accroissement de
bien-être et de l’efficience au niveau mondial, mais aussi améliorer la
stabilité et la prévisibilité institutionnelles et juridiques du système
commercial multilatéral. Il s’agit là d’une réalisation historique ».
◊
[3]
Voir aussi séminaire « Perspectives internationales mode et
textile 2007 », Paris, 28 novembre 2006. L’Observatoire Economique de l’IFM
avance que pour les États-Unis et la France les importations d’habillement en
provenance de la Chine stagnent ou même régressent légèrement sur les six ou
sept premiers mois de 2006. Or si cela est vrai pour la France en ce qui
concerne les importations directes, la France est dans l’UE, et certains grands
distributeurs ont établi leurs bases d’importations en Belgique ou aux
Pays-Bas, donc cette donnée ne peut être significative. Quant aux États-Unis,
une pause a probablement eu lieu au cours du premier semestre, mais sur les dix
premiers mois de 2006 la progression dépasse 10 %.
◊
[4]
Si les sites économiques nationaux de la Bulgarie et de la
Roumanie ne permettent aucune analyse, par contre EUROSTAT va permettre, en
mettant à disposition les données détaillées des échanges internationaux de ces
deux pays depuis 1999, de voir ce qu’il en est.
◊
[5]
http:// www. ifth. org/ et www. ifth-cma. com.
À partir de l’adresse
<https://www.cairn.info/revue-de-l-ofce-2007-4-page-351.htm>